8. La maîtrise du dragon

Amos sentit quelque chose bouger dans la poche de son pantalon. Il y glissa la main et en ressortit le pendentif de Baya Gaya. Le petit coffre en bois vibrait et semblait être sur le point d’exploser. Le porteur de masques s’en débarrassa d’un geste vif. Dans les airs, le pendentif reprit sa taille normale et c’est un gros coffre qui atterrit violemment sur le sol.

— Mais qu’est-ce qui se passe ? demanda Béorf.

— Je ne sais pas ! s’écria Amos.

— Un dragon naissant d’un côté et un pendentif magique de l’autre… Décidément, les choses se précipitent ! laissa tomber le jeune béorite, dépassé par les événements.

Une pensée lumineuse traversa alors l’esprit d’Amos. Le garçon lança aux béorites :

— Donnez les provisions que vous avez rapportées au dragon ! Cela le calmera tout en me laissant le temps d’agir… Et surveillez-le bien ! J’ai une idée…

Les béorites s’exécutèrent dans la seconde. Ils avaient des fruits et des racines, mais très peu de viande. Le dragon naissant accepta avec dégoût ce premier repas. Il commença par avaler les lièvres et les faisans, puis mangea du bout des lèvres les tubercules.

Pendant ce temps, Amos se précipita sur le coffre. Il avait vite compris que Baya Gaya l’utilisait pour transporter ses effets personnels. L’envoûtement qui avait réduit le coffre en pendentif s’était sans doute estompé avec la mort de la sorcière. La solution au problème du dragon se trouvait peut-être là !

À l’intérieur, il y avait des fioles et des flacons, un grand grimoire et - horreur ! - un pot en verre contenant un cœur humain ! Le muscle battait encore, prisonnier d’un liquide glauque.

Amos plongea dans le livre de magie de Baya Gaya. En tournant fébrilement les pages, il marmonna :

— Réduire… réduire… il faut réduire à tout prix ! Réduire ! Aller… mais où ? NON !

Rapetisser, c’est ça ! Ou rétrécir ? Contracter peut-être ? Vite… allez, Amos ! Trouve !

Après de longues minutes, le jeune porteur de masques trouva enfin ce qu’il cherchait. Il arracha la page du grimoire, fouilla dans le coffre et saisit une petite fiole remplie de poudre blanche. En courant vers le dragon, il cria à Béorf :

— Dans le coffre, il y a un pot vide… Le bouchon est en liège et il est juste à côté du cœur. Cherche et tu comprendras ! Perce quelques trous dans le bouchon et amène-moi le pot, s’il te plaît. Vite !

— Tout de suite ! répondit Béorf.

Le vorace petit dragon avait terminé son maigre repas. Les béorites, formant un demi cercle autour de lui, le tenaient en respect avec leurs armes. Inexpérimentée, la bête ne savait comment se débarrasser de ces gros guerriers qui la narguaient. Son sang bouillait et sa rage augmentait de seconde en seconde. Le bébé dragon regarda l’océan derrière lui. Impossible de fuir par là. Le choix était simple. Les hommes-ours ou l’eau salée ! D’instinct, la bête de feu choisit le combat plutôt que la fuite. Elle se sentait maintenant prête à les réduire en bouillie !

Lorsque le petit dragon se retourna, les béorites avaient reculé de quelques pas. Seul Amos se tenait devant lui. Le dragon bondit dans sa direction, prêt à lui croquer la tête.

Le porteur de masques eut tout juste le temps de lancer une poignée de poudre blanche sur la créature en prononçant l’étrange formule qu’il lisait du coin de l’œil sur la page arrachée dans le grimoire :

— Aton na bar ouf, oug ignakar kilk !

La gueule aux dents acérées n’atteignit jamais sa cible. En moins d’une seconde, le jeune dragon fut réduit à la taille d’une salamandre. Amos saisit alors la queue de l’animal entre ses doigts et la présenta aux béorites en riant :

— Eh bien, voici notre dragon ! Je suppose qu’il nous donnera moins de fil à retordre maintenant ! Béorf, le pot, s’il te plaît !

— Voilà ! fit le gros garçon en lui tendant le récipient.

Amos glissa la petite bête dans le contenant de verre et le referma avec le bouchon de liège troué.

— Bon…, soupira-t-il. Voilà un problème réglé ! Nous le nourrirons avec des insectes. Cependant, j’ignore combien de temps il gardera cette taille ! La page du grimoire de la sorcière n’en fait pas mention…

— Nous verrons bien ! répondit Béorf, Si le principe du coffre-pendentif s’applique aussi aux êtres vivants, nous aurons quelques semaines de paix.

— Oui, affirma Amos. Je crois que ce sort se dissipe seulement à la mort du sorcier.

— Bon… L’autre problème, maintenant ! lança Banry en se grattant la tête. Nous devons maintenant trouver un moyen de quitter cette île et de retourner chez nous. Sans navire, il nous est impossible de continuer notre route vers l’île de Freyja.

— Pour l’instant, dit Alré la Hache, je propose que nous retournions dans la forêt. Il nous faut trouver de la nourriture et un endroit pour passer la nuit.

— Plus loin, à l’ouest, intervint Helmic, j’ai vu des grottes qui feront un excellent abri !

— Bien, très bien ! s’exclama Banry en se frottant les mains. Même si les choses ne tournent pas exactement comme nous le voulons, il y a quand même de l’espoir ! Allons voir ces grottes et regardons si nous pouvons en faire notre quartier général. Ensuite, nous concentrerons nos efforts sur la nourriture.

— Et le dragon ? fit Hulot, un peu nerveux. Nous ne pourrions pas le noyer ? Nous en serions débarrassés…

— Non ! s’objecta Amos. Je ne pense pas que cela soit une très bonne idée. J’assume l’entière responsabilité de cette bête.

— Et je serai son gardien…, déclara Béorf en prenant le contenant des mains d’Amos. Je vais m’occuper de lui ! Après tout, c’est aussi ma faute si nous l’avons sur les bras.

— Très bien ! approuva Banry. Rendons-nous aux grottes et emportons le coffre de la sorcière. Amos pourra étudier son contenu et faire d’autres miracles ! Nous te suivons, Helmic, passe devant !

L’équipage se mit en route sous le marmonnement d’Hulot :

— Je n’ai jamais inscrit mon nom sur cette fichue liste au village ! Je devrais être à Upsgran… Mais qu’est-ce que je fais ici ? Nous sommes perdus…

Pour se distraire des propos pessimistes d’Hulot, Béorf jeta un coup d’œil au dragon. La bête n’avait pas l’air, elle non plus, de très bonne humeur.

— Comment as-tu pensé à réduire le dragon ? demanda le gros garçon à Amos.

— Une déduction rapide ! répondit le porteur de masques en souriant. Une sorcière a toujours besoin d’ingrédients pour exécuter sa magie. Tu te souviens, Lolya avait toujours besoin de poules, de chandelles, de sangsues et d’une foule d’ingrédients pour préparer ses sorts. Je me suis dit que le coffre-pendentif devait contenir ceux de Baya Gaya. J’ai aussi présumé que le sort de réduction pourrait s’appliquer à un dragon… Enfin, j’ai eu de la chance ! Heureusement, son grimoire n’est pas trop difficile à comprendre !

— Bravo ! lança fièrement Béorf. Sartigan dit toujours qu’il faut suivre sa voix intérieure…

— Et prendre des risques…

— … CALCULÉS ! s’exclamèrent les deux garçons en même temps dans un fou rire.

— Ce qui me fait peur, reprit Béorf, redevenu sérieux, c’est ce cœur… Tu l’as vu ? Il bat encore dans son pot… C’est terrible !

— J’en ai aussi des frissons dans le dos. Je vais étudier le grimoire et bien fouiller le coffre. Peut-être aurons-nous une réponse !

Guidée par Helmic, la troupe arriva bien vite aux grottes. Celles-ci étaient situées à la base de la petite montagne qu’avaient escaladée, plus tôt, Amos et Béorf. L’endroit semblait idéal pour y monter un campement. Les béorites s’installèrent et partirent ensuite chacun de leur côté à la recherche de nourriture. Banry dégagea les garçons de la tâche de ravitaillement et leur demanda de garder le camp.

Dans l’attente du retour de leurs compagnons, Amos concentra son attention sur le coffre de la sorcière pendant que Béorf pénétrait plus profondément dans les grottes.

Le jeune porteur de masques étudia le grimoire avec attention. Il y découvrit des recettes de potions et des formules magiques, mais rien pouvant indiquer pourquoi un cœur se trouvait dans ce coffre. L’organe, plongé dans une solution gluante et translucide, se tenait bien au centre du pot. Amos pensa alors à Lolya. La jeune sorcière aurait pu lui être d’un grand secours dans l’étude et la compréhension de ce grimoire.

Quant à Béorf, il revint bredouille de son exploration des cavernes. Le gros garçon s’assit lourdement près d’Amos et dit :

— Il n’y a rien dans ces grottes… Rien de rien ! J’espérais trouver quelque chose d’intéressant comme des dessins primitifs, des runes ou bien encore un trésor. Malheureusement, on ne gagne pas à tous les coups et il arrive que des grottes ne soient que de simples trous dans les rochers…

— Comment va notre ami dans son bocal ?

— Il dort. Je lui ai donné quelques grillons à manger et il semble rassasié. Si un jour quelqu’un m’avait dit que je me promènerais avec un dragon dans un bocal, je ne l’aurais pas cru ! Que va-t-on faire maintenant ? Personne ne sait comment quitter cette île. Il nous faudrait un autre bateau ! Je pense que, cette fois, notre aventure se termine ici…

— Je ne vois pas de solution, moi non plus ! soupira le porteur de masques. On dirait que rien ne fonctionne…

— Je me demande ce que dirait Sartigan s’il était là, s’interrogea Béorf à voix haute.

— Il dirait, répondit Amos en imitant le maître, que c’est dans les moments les plus sombres qu’on voit le mieux la lumière !

— Si on avait des chevaux qui galopent sur l’eau, les problèmes de bateau vous seraient réglés ! Malheureusement, ça n’existe pas…

Amos se tourna vers son ami en exhibant un large sourire :

— Béorf, tu es un GÉNIE !

— Encore une fois, je ne sais pas de quoi tu parles ! Mais si tu penses que je suis génial, tu as sûrement raison…

 

La Malédiction de Freyja
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